Salut!
Je vous présente ici une interview faite avec l'Abbé Hervé Sansan POODA
Interview du Père Hervé Sansan Pooda
L’abbé Hervé Sansan Pooda est prêtre du diocèse de Diébougou ; Sud-Ouest du Burkina Faso. Originaire de Kampti, de l’ethnie lobi, ayant étudié les langues vivantes et mortes : italien, allemande, latin, grec, hébreux… Son évêque l’a chargé de la traduction de la Bible en langue lobiri ; un vaste travail qui dépasse l’aspect religieux.
Quel a été votre parcours ?
Je suis Hervé Sansan Pooda, prêtre et traducteur biblique en langue africaine lobiri au Sud-Ouest du Burkina-Faso.
Mon parcours est simple. J’ai fait mon école primaire à Kampti mon village natal. Kampti est situé au Sud-Ouest du Burkina Faso à 25km de la frontière ivoirienne. J’ai fait les études secondaires au petit séminaire Saint Tarsicius de Diébougou. Après un Bac littéraire avec mention, j’ai fait les études supérieures ecclésiastiques au grand séminaire saint Jean-Baptiste de Ouagadougou : deux années de cycle philosophique et quatre années de cycle théologique avec une année de stage pastoral à la paroisse cathédrale de Diébougou. J’ai été ordonné prêtre le 03 décembre 2000 à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso. J’ai ensuite fait quatre années de ministère pastoral à Nako au Sud-Ouest du pays, près de la frontière Ghanéenne. Ce fut l’occasion de nombreuses recherches sociologiques et anthropologiques sur les peuples du Sud-Ouest burkinabé. Cela a été utile ensuite pour les 2 années d’études bibliques à l’université catholique d’Abidjan en Cote d’Ivoire et pour l’année d’approfondissement à l’université hébraïque de Jérusalem en Israël. Et depuis 2 ans, je suis de retour sur le terrain pastoral au Sud-Ouest du Burkina Faso.
Sur quel projet spécifique travaillez-vous en ce moment ?
Je travaille sur le projet de la traduction de la Bible en langue africaine lobiri et sur la mise en œuvre d’une littérature écrite dans cette langue locale.
Pouvez-vous en expliquer les tenants et les aboutissants ?
Traduire la bible dans une langue africaine non encore véritablement écrite est un projet ambitieux et intéressant à la fois. C’est le ministère particulier que j’exerce en tant que prêtre dans mon diocèse. A la tête d’une équipe interdisciplinaire, je mets à contribution mes compétences sociolinguistiques et bibliques pour poser en même temps les bases d’une littérature écrite en langue lobiri. Nous savons tous le grand impact de la traduction biblique de Luther sur la littérature allemande. Nous ambitionnons développer une littérature écrite lobiri à partir de nos travaux actuels de traduction. Conjointement d’ailleurs, nous nous employons à soutenir des programmes d’alphabétisation des enfants comme adultes en langue africaine lobiri. Dans ce sens, je suis l’un des responsables de la sous-commission nationale du lobiri et aussi un membre de l’académie du lobiri au Burkina Faso. A mes temps libres, je traduis des textes didactiques en lobiri et je transcris la littérature orale lobiri (contes et proverbes surtou) pour les programmes post-alphabétisation. Je me fait aider par des amis qui me lisent et corrigent.
Vous êtes alors plusieurs personnes à travailler dans ce projet de traduction biblique et de mise en œuvre d’une littérature écrite en langue africaine lobiri !
Tout à fait. Je ne suis pas seul dans le projet de traduction biblique. J’ai d’abord le soutien de mon premier responsable Mgr Kussiele Dabiré Der Raphaël, évêque du diocèse de Diébougou, et l’encouragement de toute la communauté lobiriphone.
Les Lobis sont évalués à près d’un million au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Ghana. Plus de dix mille d’entre eux sont des chrétiens et attendent encore que les textes sacrés du christianisme leur soient traduits dans leur langue locale. Une équipe de vingt personnes (des réviseurs bibliques), des prêtres, des religieuses, des catéchistes, des spécialistes en alphabétisation en langue lobiri, lisent et corrigent les traductions que je suis seul à faire pour le moment. Ces corrections et révisions sont importantes pour la qualité de nos travaux. Beaucoup d’amis d’Afrique et d’Europe nous aident d’ailleurs financièrement et techniquement dans ce travail qui est de longue haleine. Et au niveau de mes engagements pour une littérature écrite en lobiri, je travaille en partenariat avec des structures de l’église protestante et d’autres structures gouvernementales ou associatives intéressées par ce projet.
Quels objectifs plus lointains poursuivez-vous à partir de ce travail de recherche ?
Nos langues africaines sont menacées de disparition de nos jours. Tant qu’elles restent confinées à l’oralité, leur durée de vie s’en trouvera vraiment réduite. Contribuer à sauver une langue, et partant une culture, est une action prophétique bénéfique pour notre humanité. Je fais « ma part du colibri » comme on dit. J’y vais avec mes modestes compétences. J’ai effectué certaines recherches en anthropologie sur les lobis et sur les lectures africaines possibles des textes sacrés du christianisme. Je les conjugue ensemble au bénéfice de la langue lobiri à développer. Je milite pour un bilinguisme (lobiri-français) ou même pour un plurilinguisme des populations lobi à l’heure de la globalisation et de la mondialisation tous azimuts. A côté des langues internationales, leur langue locale devrait leur permettre d’avoir accès au patrimoine universel de la culture et de la science. Par la traduction des textes fondamentaux, les lobis pourront avoir accès directement au savoir universel, source de leur développement intégral. Je vous remercie pour l’intérêt et le soutien que vous nous apportez dans ce projet.
Abbé Hervé Sansan Pooda
Traducteur biblique
B.P. 07 Gaoua
Burkina Faso
sanherpo@yahoo.fr
(00226) 70 66 82 06
Merci infiniment à l'Abbé Hervé pour avoir accepté que je publie cette interview ici!!!